jeudi 31 décembre 2015

La Salle des Bronzes du Musée du Louvre (Salle 32) représente la préhistoire antique de la cloche

Création médiévale par excellence, la cloche rythmait la vie des gens et orientait leurs regards vers le présent et vers le passé pendant plus de mille ans[1].
Si vous visitez La Salle des Bronzes du Musée du Louvre, vous vous rendrez compte que vous êtes au cœur de la préhistoire antique et médiévale de la cloche (IXe siècle av. J.-C. – VIe siècle ap. J.-C.), en face de la polysémie historique du bronze qui est au fond d’un complexe métonymique virtuel, d’un ensemble de métonymies réelles ou virtuelles, connues ou inconnues. Vous vous rendrez compte aussi que les relations historiques entre les différentes formes prises par le bronze constituent des relations historiques de sens et que, dans le silence des formes historiques qui nous sont parvenues, les relations de sens résonnent.
Le bouclier antique était « la coupe d’Arès »[2].
Aussi ne serait-il pas exagéré de dire que toute cette variété d’objets historiques – depuis les statues aux dimensions très différentes jusqu’aux miroirs portés par des statuettes ; depuis les armes et l’armure des hommes qui poursuivaient l’histoire dans tous les temps jusqu’aux bijoux des femmes qui retenaient la même histoire au présent ; depuis les plateaux de la balance jusqu’aux disques devenus support d’écriture officielle ; depuis la cuisine jusqu’à la salle des fêtes et depuis l’eau jusqu’au vin ; oui, toute cette variété que la présente énumération est loin d’être en mesure d’épuiser – faisait partie de la synthèse artisanale, artistique et mentale qui a transformé le bronze antique en cloche médiévale.
Et ce sont les relations entre cette variété symbolique des bronzes de l’Antiquité gréco-romaine – qui, répétons l’essentiel, allait du jour à la nuit et de la vie quotidienne à la vie éternelle – et le texte de l’Évangile selon Jean qui, selon toute vraisemblance, étaient à l’origine de la cloche. Au figuré et sans doute aussi à la lettre, la cloche était l’image de leur fusion protectrice.
« Ensuite, sachant que tout était déjà consommé, et afin que fût pleinement accomplie l’Ecriture, Jésus dit : « J’ai soif. » Il y avait là un vase rempli de vinaigre. Les soldats emplirent donc du vinaigre une éponge qu’ils fixèrent à une tige d’hysope ; ils l’approchèrent de sa bouche » (Jn 19, 28-29). « Ensuite ils s’approchèrent de Jésus. Le voyant déjà mort, ils ne lui rompirent pas les jambes, mais de sa lance, un des soldats lui perça le côté, et il en sortit du sang et de l’eau » (Jn 19, 33-34).
L’architecture du clocher – la forme de la tour – évoque à sa façon l’histoire antique et médiévale du bronze.


[1] Sans les ouvrages de Jacques Le Goff et d’Alain Corbin cités plus haut, la rédaction du fragment que voici n’aurait assurément pas été possible. Il est vrai aussi que blessure est l’un des synonymes de coup et de coupure, et que par le passé la lecture de Louis Althusser a considérablement augmenté ma sensibilité envers les formes pratiques et théoriques de la discontinuité.
[2] « …par exemple, le bouclier, disons-nous, est la coupe d’Arès… », Aristote, Rhétorique, 1413 a, Tome Troisième, Livre III, texte établi et traduit par Médéric Dufour et André Wartelle, Paris, Société d’Editions Les Belles Lettres, 1973, p. 71.

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